Je tape ces mots, les nerfs presque à vif. Cette journée aura été assez éprouvante.
Pourtant, les choses se présentaient bien. Je réussi du premier coup mon maquillage avec mon liner fraîchement acheté, je met la robe que je porte sur mes photos postées dans un précédent article, le Soleil brille, et je vais à Marseille pour le rendez-vous avec une endocrinologue (vous savez, le THS, toussah). Bref, j’arrive à Saint-Charles sur les onze heures et demi, et me dirige droit vers Luminy, via le métro et le bus. Et je décide de manger au restaurant universitaire, celui-là même où j’ai mangé durant mes années d’étudiante. Celui-là même où je gagnais ma croûte en faisant la plonge le midi et la caisse le soir. Que de souvenirs…
Je croise le directeur. Il ne me reconnaît même pas !! Je lui explique un peu démarche. Totale acceptation de sa part. Le directeur le plus sympa du monde :).
Après le repas, bien copieux, je prends le bus pour l’hôpital de Sainte-Marguerite. Je traverse un dédale de couloirs, un ascenseur et me voici à l’étage du service endocrinologie. Après un attente, on me reçoit.
«Monsieur ?
– Madame» dis-je, à trop basse voix, et un brun agacée.
Et là, c’est comme si deux mois d’attente s’effondraient. Cette endocrinologue n’est absolument pas compétente pour ce genre de « cas ». Je lui explique que je n’en peux plus d’attendre. Que je ne veux pas avoir affaire avec ces soi-disant « équipes ». Que je ne veux pas mettre par terre près d’un an de travail avec mon psy. Mais elle ne peut rien y faire. Toutefois, elle m’obtiens les coordonnées d’un cabinet médical qui contient en son sein des endocrinologues qui se seraient déjà occupés de trans’. Ni une, ni deux, bus et métro, et j’arrive à l’adresse. J’ai envie de régler les choses vite. Je crois que j’ai jamais exprimé autant de détermination. Je vais à l’accueil, et demande si le ou les endocrinologues se chargent de transgenre dans ma situation. On me réponds que oui. Et l’on me fixe déjà un rendez-vous. C’est pour le 24 Avril. Dans QUINZE jours ! Si ça ce n’est pas du rapide, je ne m’y connais pas. Enfin un rayon de Soleil sur ma petite passerelle qui commençait à se fissurer. Et cerise sur le gâteau : mon dossier est au nom de Damia ! Cool, uh ?
Je me dis que la journée trouve un dénouement enfin favorable. Je me dirige vers la Corniche de Marseille, et vais me fumer un roulée (toujours sur le long porte-cigarette), sur la terrasse déserte du restaurant Les Dauphins. Des nuages bas mangent le sommet des collines marseillaises à l’Est. Le Frioul et là, imposant, tel un monolithe flottant sur la Méditerranée Eternelle. Je me dis que oui, la journée est belle.
J’attrape à temps le bus pour Perier (ah faut suivre, prenez un plan si vous n’êtes pas devenue comme moi une marseillaise ;)). Et je prends le métro pour Saint-Charles.
Arrivée là-bas, je prends mon billet de train pour Marmande. Car en effet, je compte rendre visite à mes parents que je n’ai plus vus depuis un an et demi (à Marmande on m’aurait cherché en voiture pour m’amener à Bergerac). Le bille en main (départ le lendemain), je prends le TER direction Sausset-les-Pins, et retour à Saint-Julien les Martigues (prenez un plan je vous prie). Je loupe mon premier bus de retour à la maison, mais finalement enchaîne sur le second. Et me voici de retour à la maison.
Ce soir là, je devais téléphoner chez mes parents pour deux choses. L’une pour souhaiter un bon anniversaire à ma mère. Et l’autre pour informer de mon heure d’arrivée à Marmande. Sauf que…
Sauf que je dois faire une analèpse (ou un flashback si vous préférez). Il y a de cela une semaine, j’avais téléphoné à mon père. Il n’était toujours pas informé de ma transition. Je comptais donc faire les choses en douceur. Lui dire que j’étais dans un processus de longue durée, qui allait m’amener à me changer. Que j’étais une trans’. De son côté, je dirais que la réception n’a pas été franchement chaleureuse, mais pas froide non plus. J’ai interprété ça comme une forme d’acceptation. Cela est essentiel car je compte rendre visite à mes parents. Sur ce bon sentiment, je planifie mes horaires, mon séjour.
Sauf que… De l’autre côté du téléphone, j’entends ceci, vociféré par mon propre père :
«JAMAIS tu touchera au livret de famille !!! / Ce sera toujours HOMME et JAMAIS FEMME !! / Je ne l’accepterai JAMAIS !!!»
Et il ne veut voir personne à la maison.
J’ignore s’il le planifiait, ou si c’est son verre de whisky qui lui a dit, mais il ne compte plus me voir. Ni demain, ni plus tard.
La première personne à manifester un tel refus de compréhension de ma transidentité, c’est mon père. C’est comme si un coup de massue faisait trembler ma frêle passerelle. Je croyais que… Eh bien non.
Je ne dirais pas que je suis sous le choc. Je m’y étais préparée quelque part à cette réaction. Mais je l’avais craint. Évitée. Et y faire face, c’est autre chose.
Demain, je n’irais pas rendre visite à ma mère et fêter avec elle son anniversaire. Demain, j’irais rembourser mon billet, avec l’espoir que les choses s’arrangent.
Demain…