Quand on est trans, on nous fait bien comprendre que ça doit être souvent vécu comme un fardeau, comme une sorte de malédiction, comme une douleur. Parce que le parcours est souvent long, semé d’embûches et que les proches, la société nous le fait payer cash. À tel point que nous voudrions éviter de revendiquer cette transidentité. La cacher, la dissimuler. Et cette année 2015 nous a montré une fois de plus la violence transphobe dont nous sommes victimes… Ni oubli, ni pardon.
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Toutefois, j’aimerai avec vous, essayer de faire en sorte qu’on puisse voir le verre à moitié plein de cette identité trans. Vous êtes libres d’adhérer ou non, libre de recevoir ces mots ou non.
Voici mon point de vue sur la façon dont je vie ma propre transition, ma transidentité.
Commencer une transition devrait être considéré comme une célébration. Oui, ça devrait être presque festif. Une nouvelle naissance. Une nouvelle puberté s’annonce. On commence enfin ce parcours qui nous tendait les bras depuis si longtemps. Ce parcours si longtemps rêvé, fantasmé. Une idée fixe qui ne nous quitte pas d’une semelle depuis qu’on a pu mettre un mot sur tout ça.
Être trans, oui, selon moi c’est beau. Oui c’est une chose qui vaut la peine d’être vécue. Faire une transition c’est faire l’expérience des deux genres dans sa vie. C’est comme un voyage.
J’ai vécu 27 ans de ma vie éduquée comme un garçon. Elevée comme un adolescent. Perçue comme un jeune homme. Oui ce n’était pas facile. Mais voilà, tel est mon passé. Pas de honte, ni de gloire. C’est ainsi. C’est une expérience. Et depuis presque 3 ans, je socialise en tant que femme. En tant que moi-même authentique. Comme un voyage excitant, à l’idée du trajet que l’on fera, regardant de part et d’autre de la route, du chemin, de la passerelle, et c’est juste merveilleux.
Faire cette transition, c’est la décision la plus importante de ma vie, l’une des plus belles. Et pourtant… La honte m’envahissait à l’idée de me dire «Je suis une femme». Me dire «Je vais commencer.» Oui, la honte. Et la honte de regarder mon corps dans un miroir. Me dire que ça sera long à changer tout ça. Que je ne serai jamais vraiment une femme. Regardez-moi ces mains, ces bras, ces épaules, ce ventre, ce torse, cette tronche, ces yeux, ces jambes, ces pieds, ce pénis ! Suis-je sérieuse à vouloir commencer ça ?
Bah oui je suis sérieuse. Car telle est ma situation. Telle est ma volonté de devenir. Telle est mon identité. Mon karma. C’est dans ma chair, c’est dans mon âme. Une femme je suis, une femme je vais être aux yeux des autres. Et ceci… Cette certitude inébranlable m’a donné bien plus de joie que n’importe quelle cuite, n’importe quel pétard, n’importe quel phénomène astronomique ou météo. Et c’est avec une absolue sérénité que j’ai entamé ce parcours, commencé il y a 4 ans. Parcours dont Yagg est le témoin par ailleurs.
Donc je renouvelle mes mots : pouvoir faire sa transition c’est une célébration. C’est briser les chaînes de la cisnormativité. Briser la boite dans laquelle on tentait de nous faire entrer. Exploser cette identité qu’on nous colle et qu’on refuse. Casser ce moule. Qu’on se refasse son propre moule à soi, ou non, que sais-je ! Du moment que nous soyons nous mêmes, et qu’on ne réponde plus aux sirènes d’une prétendue normalité.
Être trans, c’est la liberté d’affirmer son genre !