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Assez des acteurs cisgenres qui jouent des rôles de personnes transgenres : Ou, pourquoi the Danish Girl est du gâchis

L’article qui suit est la traduction intégrale d’un article écrit par Shannon T.L Kearns (disponible ici en version originale), dont je partage à 100% l’avis. C’est un mec trans, écrivain, orateur, et théologien. Et il officie en tant que prêtre. Et s’occupe d’une compagnie de théâtre (Uprising Theatre Company).

Je m’arrête ici, et place à l’article.


 

«Les nominé-e-s aux Oscars est sorti et dans l’océan de visages d’hommes, il y a Eddie Redmayne, habillé en femme, nominé pour son rôle dans The Danish Girl. J’ai eu un mouvement de recul. C’est l’image parfaite de tout ce qui ne va pas avec le portrait des personnes transgenre dans la plupart des films célèbres. Cela envoie une message : les femmes trans sont en fait des hommes.

J’ai parlé de ceci sur Twitter, et quelqu’un m’a dit : «Bien sûr qu’il est nominé pour le rôle de meilleur acteur, c’est un homme !». Comme si je ne savais pas que c’était justement cette contradiction que je cherchait à montrer avec mes commentaires. Le fait qu’Eddie Redmayne, un homme cisgenre, a été recruté pour jouer une femme transgenre, et ensuite avoir été nominé comme meilleur acteur pour son interprétation de cette femme, est du gâchis.

Même si on met de côté le fait qu’il y a un certain nombre de personnes trans capables de jouer des rôles trans (et aussi, des personnes trans capables de jouer des rôle non-trans, mais c’est une autre réflexion), le fait que les personnes trans soient habituellement joués par des acteur-ice-s qui ne sont pas du même genre que la personne trans n’est pas correct. Et pas juste problématique, pas seulement bizarre, pas juste un problème qu’on peut surmonter ; fondamentalement incorrect. Sur tout les plans.

Si (et avec un grand si, quand on voit qu’il y a en fait quantité d’acteur-ice-s trans très talentueux-ses) un-e acteur-ice trans ne peut pas être trouvé pour jouer une personne trans, alors les réalisateurs et les producteurs devraient au moins embaucher des gens qui ont le même genre que la personne trans. Aussi loin que je puisse le savoir, cela a été fait une seule fois : Felicity Huffman dans Transamerica. Dans tous les autres films et autres séries que j’ai pu voir, les personnes trans sont jouées par des acteur-ice-s cis qui ne partagent pas la même identité de genre. Hilary Swank dans Boys Don’t Cry, Daniela Sea dans The L World, Elle Fanning dans Ray, Jeffrey Tambor dans Transparent, Tom Wilkinson dans Normal, et la liste continue… mais pas façon interminable car il n’existe que trop peu de films et séries à propos des personnes trans [il existe toutefois Sense8 et Orange is The New Black où deux personnes trans sont jouées par des personnes trans, NDLR].

Et voyez-vous, c’est tout le problème : une communauté extrêmement marginalisée qui souffre d’intenses discriminations et violences, une communauté qui est largement incomprise (également par les minorités sexuelles), une communauté qui est souvent haïe et moquée, n’a quasiment aucune représentation positive dans les médias. Et même, même quand il y a des représentations, c’est mal fait et les acteur-rice-s choisi-e-s propagent des idées blessantes à propos de la communauté.

Si la conception générale à propos des personnes trans et que, au fond, et peu importe ce qu’iels font, iels sont réellement le sexe qu’on leur assigne à la naissance, pouvez-vous voir à quel point recruter quelqu’un qui ne partage pas la même identité de genre ne fait que perpétuer cette idée ? En tant qu’auteur-ice-s, producteur-ice-s, réalisateur-ice-s, tout le monde impliqué dans la création de médias à propos de groupes marginalisés, vous avez la responsabilité de faire les choses correctement pour ces groupes. C’est sérieux, car quand on le fait, des gens meurent, littéralement.

J’entends des excuses telles que «C’est juste un film !» ou «Au moins, on parle de vous !» ou «C’est ça être acteur !». Aucune ne sont valables. On a déjà vu le pouvoir des films pour former la conscience, pour changer l’opinion publique, ou éduquer. Donc, à chaque fois qu’un film fait mal les choses, cela forme une mauvaise conscience, déformant l’opinion publique, et disposant de mauvaises informations.

A propos du fait de jouer. Oui, un-e acteur-ice talenteux-se peut faire beaucoup de choses. Iel peut devenir une autre personne, iel peut vous faire croire. Un-e acteur-ice professionel-le fera aussi son boulot, interroger des gens, apprendre à propos des personnes qu’iel doit représenter. Mais même le-a meilleur-e acteur-ice ne peut devenir vraiment quelqu’un qu’iel n’est pas. Quand on en arrive à l’expérience d’être trans, peu importe la quantité de travail ou d’interviews ou d’interprétation ne pourra permettre de savoir ce que c’est. Cela veut dire qu’il y aura toujours un aspect faux dans leur rôle. Et même un seul aspect, c’est trop pour une communauté en sous-représentation.

Même si vous voulez vous en tenir à la carte interprétation, pourquoi ne pas engager des femmes cis pour jouer des femmes trans ? Et pourquoi pas une homme cis pour jouer un homme trans ? La réponse à cette question me dit que ce que vous pensez réellement des personnes trans. Le fait que cela ne se soit jamais vraiment produit de la part des réalisateur-ices et producteur-ices me fait dire que ces gens qui veulent raconter nos histoires n’ont pas tellement notre meilleur intérêt en tête.

Donc non. Je n’applaudirai pas Eddie Redmayne et les gens qui ont fait The Danish Girl. Même si c’est une film bien réalisé. Je ne vais pas applaudir car cela n’est pas fait correctement. Et je suis fatigué de ces films qui sont incorrectement faits. Et je ne vais pas non plus applaudir Redmayne parce qu’on le trouve « courageux »  d’avoir joué une femme trans. Et je ne vais pas applaudir l’attention qu’on lui porte alors que acteur-ice-s trans continuent de passer à côté de tout ceci, pendant que des studios refusent de nous laisser raconter nos histoires, pendant que les fonds vont vers des personnes cis qui parlent pour nous et sans nous.

Il est temps pour nous personnes trans de raconter de raconter nos propres histoires. Il est temps de jouer nos propres personnages. Il est temps de montrer au monde de quoi nous sommes réellement fait-e-s.»

 

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Medias Non classé Retour vers le Futur TransMilitantisme

CIGaLes et moi

CIGaLes est une association LGBT dijonnaise. Son acronyme signifie « Collection Incroyable de Gays et de Lesbiennes ». Fondée en Décembre 1995, celle-ci s’occupe de questions autour des orientations sexuelles et des identités de genres.

Cette asso, ce fut la mienne durant mes deux années de présence à Dijon.

Cette asso aura laissé une marque indélébile dans mon existence.

Cette asso aura changé ma vie.

La première fois que j’ai entendu parler de CIGaLes ce fut en 2012, lors d’une sessions Skype avec la toute première personne trans que j’ai pu avoir en contact dans ma vie. Personne qui par ailleurs a eu un rôle déterminant dans ma vie et dans ma transition, en étant mon guide, ma référence, et surtout, une amie (j’en profite pour lui adresser mes remerciements infinis, et ma gratitude la plus sincère, tout ce qu’elle a fait pour moi est énorme). Ceci est important car ma 1ère visite chez CIGaLes ce fut lors du mois de Mars de l’année 2013, alors que je rendais visite justement à cette amie. C’était nouveau pour moi tout ça. Je n’avais jamais réellement côtoyé le milieu associatif LGBT. Je me retrouvais enfin avec des personnes partageant un vécu similaire au mien, du moins partie. J’étais encore loin d’être la militante que j’étais aujourd’hui, même si je commençais à me forger quelques idées sur quelques sujets. C’était un Jeudi soir, lors du temps convivial hebdomadaire proposé par l’association. Et je suis partie de cet endroit en me disant que je ne reverrai probablement plus jamais ce local, ni les personnes qui étaient présentes.

J’avais tort. Et l’avenir me le montrera.

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Modèle d'article de presse sur les trans [1er degré, s'abstenir]

A l’attention des journalistes de la presse à sensation qui souhaiteraient avoir un modèle d’article tout fait, pour parler d’une personne transgenre. Vous pouvez copier et coller le contenu, et même perfectionner la chose en utilisant une base de donnée et faire une fusion (dans n’importe quelle suite bureautique ça marche). Cet article est non-exhaustif, vous pouvez l’agrémenter et l’augmenter comme vous voudrez, du moment que cela génère du pathos ! Car c’est avant tout ce qu’il faut : des larmes, de l’émotion, de l’extraordinaire. Libre court à votre créativité !

 

Découvrez l’incroyable histoire de [prénom actuel] [X] devenu[e] [Y]¹ !

[prénom actuel] est né-e [X/Y]. [Il/Elle²] s’appelait [prénom de naissance] et a choisi de changer de sexe. [prénom actuel] est son prénom actuel et se fait appeler comme ça par ses amis. [Pronom du genre actuel]

Tout petit-e déjà, [prénom de naissance] se sentait enfermé-e dans son propre corps. [Il/Elle] se sentait mal dans sa peau. Echecs scolaires, fugues, et même tentatives de suicides.

C’est à l’âge de [le sujet doit être âgé de plus de 30 ans] que [prénom de naissance] décida d’aller voir une équipe spécialisée à [Lyon/Bordeaux/Marseille/Paris]. Et, au bout de deux ans d’un long processus médical, [ancien prénom] put devenir enfin un-e vrai-e [X/Y], surtout après l’opération du sexe.

Aujourd’hui, [prénom actuel] est un-e bel-le [X/Y] et personne ne pourrait savoir qu’avant [il/elle] était un-e [X/Y]. Désormais [prénom actuel] vit heureux-se et croque la vie à pleine dents, en attendant la décision juridique de son changement d’État-Civil, qui va enfin faire valoir officiellement son identité sexuelle en tant que [X/Y] à [prénom actuel].

[insérer photo(s) avant/après]

________

¹ Dans le cas d’une femme trans, X = Homme et Y = Femme. Dans le cas d’un homme trans, X=Femme et Y = Homme
² Utilisez le pronom du genre assigné à la naissance.

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Lecture Critique – Le Transsexualisme, par Colette Chiland, ed. Que Sais-Je ? , 2003

Alors voilà, j’ai un peu hésité à partager ce LiveTweet réalisé il y a environ 2 semaines, de cette lecture assez très pénible.  Je vous intègre ici même le Storify de ce LT. Inutile de vous dire qu’il faut vous attendre à des choses pas forcément agréables.

Ça se passe ci-dessous, faut lire et défiler.

 

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Top 3 des questions à ne surtout pas poser à une personne transgenre

L’autre jour je discutais transidentité avec une personne cis’ qui voulait en savoir un peu plus. Soudain elle me demande mon ancien prénom. J’ai dit : NON. L’occasion pour moi de lister ici les trois questions à ne jamais poser à un-e Trans quand on discute avec ellui.

NoQuestions

Addendum. Suite à des réactions appelant à nuancer les propos sous-cités, je me dois de rajouter une petite note. Ce que je propose en suite de chaque question n’est pas un modèle type de réponse à apporter. Il va de soi que je n’incite pas à répondre de façon violente et brutale. Je n’appelle pas à la fermeture totale et hermétique sur ces questions. C’est plus une ligne de conduite adressée aux cisgenres vis-à-vis des personnes transgenre quand on découvre qu’on en a un-e dans son entourage, ou bien quand, à l’occasion d’une soirée, on découvre que l’on est trans. Je pars du principe de base que l’on doit nous respecter et ne pas chercher à connaître des choses de nous que l’on ne souhaiterait pas voir s’étaler sur place publique. C’est juste une série de bonnes pratiques à avoir.

1 – «C’était quoi ton ancien prénom ?»

Non. Désolée mais non. Cette question au demeurant triviale est une terrible tentative de vouloir extirper un passé oublié. Pendant une partie plus ou moins longue de sa vie, la personne transgenre a vécu avec ce mauvais prénom qui ne lui corresponds plus, et par conséquent ne veux plus rien avoir à faire avec. Et oubliez aussi le « jeu de devinette » consistant à faire une liste de prénoms dans le but de faire avouer à la personne son ancien prénom. C’est tout sauf drôle ! Même dans le milieu militant LGBT, il m’est arrivée d’apprendre qu’un responsable associatif avait sorti : «Allez, dis-moi son ancien prénom, c’est pour rigoler !» Non. Ce n’est pas drôle. C’est de la transphobie, au sens où l’on invisibilise totalement ce qu’est la personne transgenre actuellement.

2 – «Mais alors ? T’es opéré-e ?»

«Qu’est-ce que ça peut te foutre ? Je t’ai demandé moi si tu es circoncis / t’es faite raccourcir les petite lèvres parce qu’elles pendaient trop ?». Cette question est une terrible tentative de rentrer dans le plus intime de la vie d’un-e trans. On évite. Encore une fois : SEXE et GENRE ne sont pas du tout dépendant l’un de l’autre ! Et ce n’est pas le sexe qui définit une identité de genre. De plus, bon nombre de trans ne veulent pas faire d’opération de reconstruction vaginale ou pénienne. Enfin, ce qui se passe entre nos jambes ne regarde que NOUS. Vous, ça ne vous regarde pas. Pas plus que la taille de votre pénis ou l’aspect de vos petites lèvres.

3 – «Je peux voir des photos de toi d’avant ?»

Même topo que pour l’ancien prénom. Cela concerne un passé que la personne transgenre préfère garder pour ielle, et c’est un passé qui ne concerne qu’ielle. Un passé parfois douloureux. Derrière cette question des anciennes photos il y a bien souvent l’envie de voir comment la personne a évolué. Et donc ? Cela ne vous regarde pas. C’est de l’irrespect et encore une tentative de rentrer dans la vie privée de la personne.

Et encore, ce ne sont que 3 des questions les plus intrusives et les plus chiantes. Il y en a d’autres…

Si toutefois une de ces 3 questions venait à être posée, mon attitude est de ne pas y répondre et d’expliquer pourquoi, histoire que la personne ne reproduise pas ces erreurs plus tard 😉

Enfin, rappelons que ces règles de bonne conduites non-intrusives sur la vie des trans n’est absolument pas respectée par encore trop de médias, qui continuent à rappeler l’ancien prénom de la personne trans, font de longs paragraphes sur l’opération de reconstruction du sexe, n’hésitant pas parfois à diffuser d’anciennes photos (surtout dans les émissions de télévision).

Et pour conclure : Si la personne transgenre souhaite évoquer son propre passé, c’est d’ielle que cela doit provenir. Mais cela est rare…

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[Lecture] “Changer de Sexe – Identités Transsexuelles”

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Alors voilà. Chez CIGaLes (Centre LGBT Dijon – Bourgogne, dont je suis adhérente et administratrice), nous avons une bibliothèque assez fournie avec une littérature assez riche. Un bouquin était bien caché. Sa couverture assez peu attirante, est la facade d’un livre qui dit tout haut tout un tas de choses que j’avais assez de mal à exprimer clairement. Pourquoi « couverture peu attirante ». Car la présence du mot « sexe » semblait annoncer un ouvrage encore centré sur le sexe des trans, dont on verra plus tard, on se contrefiche.

Ce livre est écrit par deux femmes trans : Alexandra August-Merelle et Stéphanie Nicot, fondatrices de l’association Trans Aides. Rédigé en 2005, il présente un état des lieux sur la transidentité en 2005, qui n’a hélas que bien trop peu changé, quasiment 10 ans plus tard…

D’emblée les première pages rassurent : le vocabulaire sera clair, précis et non-pathologisant. Aussi sera employé de façon systématique « personnes transgenre », « Trans », « MtF », « FtM », « Cisgenre », etc. Bref tout un glossaire crée par les Trans et que nous nous sommes appropriés. On sent que la suite de la lecture sera agréable.

Plutôt que de vous faire une analyse détaillée et profonde de ce livre, je vais me contenter de mettre une série de citations que je trouvais vraiment justes, percutantes. AVERTISSEMENT : certains passages peuvent déclencher de douloureux souvenirs.

«Les proches prétendent souvent […] que l’usage du nouveau prénom féminin est un détail de l’histoire… Pour une trans, c’est tout simplement vital.»

«Seuls, les psychiatres et les magistrats s’évertuent à désigner les [trans] par leur sexe d’origine.[…] Dé-nommer, c’est déshumaniser.»

«L’ennui, pour nos amateurs de petites cases, c’est qu’une Transgenre n’entre -par définition- dans aucun schéma binaire, et ses partenaires non plus…»

 

«Les trans couchent souvent entre elles…»

Où, quand le rejet cisgenre entraîne une ghettoïsation entre trans, condamnées dès lors à ne sortir qu’entre elles, invariablement si elles sont hétéro, bies ou lesbiennes.

«[A propos des IST] Placer les trans en situation d’insécurité psychique et sociales, c’est les pousser à des conduites à risques […] On ne dira pas jusqu’à dire qu’il s’agit d’une volonté délibérée de l’état de parier sur une “éradication blanche”, mais on voudrait y parvenir qu’on n’agirait pas autrement.
[…]un néo-vagin est tout aussi contaminable ou contaminant qu’un vagin cisgenre.»

Gros passage sur les IST (Infections Sexuellement Transmissibles). Il est bon d’insister là-dessus car les trans sont des personnes encore très touchées, une population à risque, très sensible.

«Concevoir le passage au féminin comme un abaissement, c’est la vision typique d’une femme qui a intériorisé la domination masculine»

A propos de Colette Chilland, psychiatre transphobe s’il en est.

«Le diagnostic va donc se poser sur la constance à demander et à souffrir du besoin de changement, c’est pourquoi une période de deux ans d’observation a été fixée»
Mireille Bonierbale, psychiatre. “Questions Face Au Transsexualisme“, 1998. [Cette psy exerce toujours, dans l’équipe de Marseille, NDA]

«On rappellera donc à ceux qui mentent délibérément aux personnes Trans, et à l’opinion, en prétendant qu’elle est « obligatoire », que cette période d’observation de deux ans n’est nullement un impératif légal.»

Juste après ce passage, je découvre avec effroi qu’il n’y a pas si longtemps on pratiquait des séances d’électrochocs sur les trans… Et qu’il est intéressant de découvrir que les psy qui osaient pratiquer ce genre de choses sont à la tête des … équipes « officielles » ! Vous serez fascinés d’apprendre aussi que l’Ordre des Médecins a été fondé sous le Régime de Vichy, et qu’il était de bon ton à l’époque -au sein de cet ordre- de livrer aux Allemands les médecins Juifs. J’imagine que de nos jours, cette culture de la déshumanisation s’est tour à tour projetée sur les homos, puis sur les trans.

 

«Un certain nombre de transgenre s’imaginent qu’elles deviendront de “vraies femmes” grâce à leur opération génitale. Pourtant, une vaginoplastie n’est pas un passeport pour la féminité.»

«Quand on voit les photographies de néo-vagins réalisés en France, on se demande devant quel film d’horreur on se trouve. Surtout en découvrant que ces prises de vues n’ont pas été effectuées en cours d’opération mais six mois voire un an après intervention.»

Note : cela est vrai encore pour la très très grande majorité des opérations réalisées en France. MAIS. Les choses commencent à bouger un peu de ce côté là. En effet, un chirurgien s’est posé les bonnes questions et a pris l’initiative d’aller se former sur les opérations de reconstructions pratiquées au Canada, en Thaïlande, etc. Les retours concernant ses opérations sont positifs. Il reconstruit un véritable appareil génital féminin (petites et grandes lèvres, clitoris et vagin) en étant très inspiré des techniques étrangères. Il travaille actuellement au sein du GRETIS de Lyon et il s’appelle Morel Journel. Et il réalise aussi des phalloplasties, qui sont d’après les retours que j’en ai de très bonnes qualité !

«C’est donc abordable pour beaucoup, mais toutes ne peuvent accéder des vaginoplasties de qualité, comme les jeunes Trans scolarisées sans travail ou confrontées à une famille hostile, et les filles sans emploi ou dans la précarité ; tout le monde n’a pas non plus une vie sociale riche, avec des amis fidèles et argentés susceptibles de prêter de l’argent. Tout le monde n’est pas non plus fonctionnaire ou assimilé pour avoir facilement un prêt bancaire à la consommation.»

En effet. Il faut bien prendre conscience que les trans c’est comme pour tout le monde : y en a des fortunées qui peuvent tout se payer en un rien de temps et n’avoir aucun soucis pour se payer le laser et/ou l’électrolyse, les opérations (pas que la vagino, mais les autres), ainsi que les consultations ; y en a des qui arrivent à boucler leur fin de mois mais qui doivent faire attention et donc des concessions, quite à devoir attendre plusieurs années ; et celles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, qui n’ont même pas les moyens de consulter un médecin généraliste pour avoir leurs ordonnance et qui par conséquent sont plus ou moins contraintes à l’automédication via le marché noir pour se faire filer leur THS. Dans cette dernière situation, la transition est souvent vécue comme un calvaire, avec souvent des pauses dans l’hormonothérapie, avec tous les risques de santé que cela peut entrainer, un corps qui tarde à être modifié, des poils dont il devient difficile de se débarrasser, et je ne parle pas des opérations qui deviennent dès lors inaccessibles.

 

«[…]certaines Trans croient se distinguer en passant du clan des non-opérées au club très fermé des opérées. […] valoriser en dévalorisant les autres n’est jamais signe de bonne santé mentale ni d’épanouissement personnel.»

Petit clin d’œil à ces trans qui se permettent de juger les autres du haut de leur opération et qui trouvent gerbant d’imaginer une femme avec une pénis.

 

«Voter, voilà l’acte citoyen par excellence. Une Trans, elle, a le choix entre s’abstenir ou être publiquement désignée. Dans un bureau de vote, la loi impose en effet d’annoncer à haute et intelligible voix les noms et prénoms de la personne[…]. Les autres électeurs voient une femme et on annonce Stéphane, Louis, Gaston.»

Ou comment se faire outer dans tout son quartier en trois coups de cuiller à pot.

«Pour résister, les personnes Transgenre ont à leur disposition l’article 9 du Code Civil (Loi n° 94-653 du 29 Juillet 1994).»

Attention, extrait d’analyse d’un légiste (gynécologue). Car bien trop souvent, le procureur veut une preuve tangible de l’opération ou non de la trans :

«elle est vêtue de façon très féminine avec une mini-robe arrivant au dessus des genoux […] on met en évidence l’orifice du néo-vagin qui acceptera sans difficulté un doigt large.».

Voilà voilà, ou comment organiser le viol légal… Et :

«Tous ceux et celles qui ont été violés sont marqués à jamais : égalité, fraternité, c’est pour la rime !»

J’insiste là dessus. C’est du VIOL. Personne, ni même l’Etat, ne devrait forcer une personne à écarter les cuisses pour estimer si le néo-vagin d’une trans est compatible avec la réception d’un pénis (c’est ce qui est recherché, faut pas se leurrer). De même, que ces pratiques honteuses, d’un autre temps, consistant en la mesure précise du pénis d’une trans et vérifier la stérilité de l’organe. Et si ça va pas => Article 9 du Code Civil, et Article 8 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (arrêt du 25 Mars 1992). Je rappelle que ces procédures honteuses sont encore demandées pour qu’une trans puisse changer son État-Civil !

«En France, l’État ne lutte pas contre les discriminations qui frappent les Trans, puisqu’il les organise.»

 

Dans la conclusion :

«Avant leur transition, elles avaient le statut privilégié culturellement dévolu aux hommes. Après leur transition, elles ne peuvent être dupes des modes d’exercices de la domination masculine. Les femmes cisgenre, elles, sont tellement habituées à la subir qu’elles l’ont intériorisée et la voient parfois plus.»

Donc une excellente lecture, que j’ai englouti en l’espace d’une journée à peine. Faut dire que le discours est clair, passionnant, et démonte nombre de clichés. On se rends compte qu’en 10 ans, peu de choses ont évolué : équipes « officielles » qui s’imposent comme passage obligatoire, psychiatres cyniques aux méthodes douteuses, changement d’Etat-Civil soumis à la condition d’être violé-e, car toujours AUCUNE LÉGISLATION permettant aux Trans de pouvoir changer leur identité de façon libre et gratuite ! Manque cruel d’intérêt des chirurgiens pour les opérations de vagino/phalloplasties. Toujours aucun remboursement des opérations réalisées à l’étranger alors que celles-ci coûtent moins chères et sont nettement mieux réalisées.  Toujours aucune protection légale des trans vis à vis de la transphobie. Et j’en passe…

Une note quand même concernant l’équipe du GRETIS de Lyon. Même si tout n’est pas encore parfait, c’est à ma connaissance la seule équipe qui prends en charge des trans hors-parcours et qui les intègre en cours de parcours, sans leur demander de tout recommencer.

Least but not last, ce livre est librement consultable en ligne ici.