Alors vous voyez à la télévision, on entends un peu de tout et n’importe quoi dès qu’il s’agit de « théorie du genre », ce truc fumeux aussi absurde que l’est la « théorie de l’évolution » ou la « théorie de l’héliocentrisme », inventé par nos détracteurs afin de décrédibiliser totalement le débat.
Bref bref. Comme à mon habitude, je regarde le Magazine de la Santé, qui est selon moi l’une des meilleures émissions du PAF, qui a d’ailleurs récemment fait un In Vivo (reportage en plusieurs partie diffusé sur une semaine) sur un trans FtM, se concentrant sur son opération de réassignation sexuelle (images fortes, mais de grosses émotions, j’ai été impressionnée !), et un autre In Vivo, plus récent, sur Le Refuge (si tu connais pas ami lecteur, c’est par là : www.le-refuge.org ).
En ce début de semaine, donc, installée devant mon programme favori, j’apprends qu’un psy va intervenir pour parler de la « théorie du genre ». Je me dis, pourquoi pas. Bien qu’un peu méfiante, notamment quand la veille sur Canal+ dans Le Supplément, ils avaient invité De la Rochère, de la Manif Pour Tous, même si je ne vois pas en quoi la programmation de Canal aurait une influence sur celle de France 5. Mais bon. C’est le Mag de la Santé et je me dis que ça ne peut pas être quelqu’un de foncièrement mauvais ce psy. Note : Il s’agit de Serge Hefez, psychiatre-psychanaliste.
J’écoute son intervention. Une très très agréable surprise. Rarement entendu des paroles aussi saines et aussi sensées !
Donc si vous voulez entendre et voir ça, c’est ici, à partir de 37:15. : http://www.allodocteurs.fr/video.asp?idvideo=396
Et si jamais la vidéo venait à disparaître, peu importe, j’ai disposé ci-dessous la retranscription intégrale ! Bonne lecture 😉
Marina Carrière-d’Encausse : C’est quoi cette fameuse « théorie du genre », rappelons là.
Serge Hefez : Hé bien justement, le problème de la théorie du genre c’est qu’elle n’existe pas, tout le monde craint une idéologie pernicieuse, qui viendrait dans la tête de nos enfants, et les troubler complètement.
Alors peut-être pour rendre les choses plus claires, ce que j’aurais envie de dire, c’est que tout le monde a sa théorie du genre, tout le monde fait la théorie du genre, sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Si vous dites à une petite fille, à votre petite fille : «Ma chérie c’est pas la peine de faire des études, ton destin c’est de te marier et d’avoir des enfants, c’est de tenir ta maison et de se sentir obéissante par rapport à ton mari», hé bien vous lui communiquez une théorie du genre. Si au contraire vous lui dite : «Une fille ça doit être indépendante, travaille bien en classe, et ne dépends jamais d’un homme parce que tu dois être libre et autonome», ce qu’on aurait tendance à dire aux petites filles, faut bien le dire, et bien on lui communique une autre théorie du genre. Si on dit à un garçon, comme les parents de Billy Eliott, un garçon ça ne doit pas faire de la danse mais du rugby, c’est une théorie du genre. Si on lui dit un garçon ça ne pleure pas, mais au contraire ça doit être fort, etc. Donc nous passons notre temps à communiquer à nos enfants des théories du genre. Si je vous dit, Michel [On lui avait mis du rouge à lèvre – NDLR], un garçon ça ne porte pas de rouge à lèvre, c’est une autre théorie du genre. Donc il n’y a pas une théorie, mais il y a des milliers de théories qui pourraient se référer à des milliers d’études sur le genre. Ça les études sur le genre, ça existe.
Marina : Il y a l’évolution culturelle aussi.
Serge : Bien sûr. Et des études dans le domaine anthropologique, philosophique, sociologique, dans tous les domaines il y a des études sur le genre. Par exemple si on dit, les femmes à études égales, gagnent 20% de moins que les hommes, et bien c’est une étude sur le genre qui permet de le dire, ça a une validité scientifique.
Michel Cymès : Simone de Beauvoir disait : «On ne naît pas femme, on le devient.» Alors, vous êtes d’accord avec elle ?
Serge : Oui et non. J’aurais envie de dire : on naît mâle ou femelle, incontestablement, et on devient homme ou femme. C’est à dire que ce passage de la biologie, de l’anatomie, à l’essence de l’être, et bien il est très complexe. C’est tout un cheminement, c’est tout un apprentissage. Et cet apprentissage il ne pousse pas dans la nature comme les mauvaises herbes, bien évidemment, ça veut dire que dès sa naissance, dans le reportage on l’a vu, le bébé il est là, il est pris dans un monde, où on va lui signifier qui il est, et comment il est. Le problème, c’est que beaucoup de la plupart de ces messages sont inconscients, c’est à dire qu’on ne tient pas, qu’on ne s’adresse pas aux bébés filles et aux bébés garçons de la même façon. Vous savez par exemple qu’on n’allaite pas les filles et les garçons de la même façon, il y a des études qui le montrent, on a tendance à à allaiter les bébés filles un petit peu à heure fixe, comme s’il s’agissait de les dresser d’une certaine façon, de les rendre obéissantes, et on a tendance à allaiter ou à donner le biberon au garçon à la demande, comme s’ils étaient déjà un petit peu des enfants-rois. Et tout le reste est un petit peu à l’avenant, les histoires qu’on leur raconte, la posture qu’on leur donne, il s’agit de diriger les garçons vers une certaine tonicité, virilité, activité, et de diriger les filles vers quelque chose de plus doux, de plus passif, et de plus obéissant aussi.
Marina : Alors d’où vient toute cette peur, toutes ces hostilités quand il s’agit de montrer le poids et l’impact de tous ces stéréotypes ?
Serge : Ben ça nous fait très peur de bousculer ce qui est des normes ancestrales, des normes qui sont liées à la Nature, à la nature des choses. Effectivement la nature des choses c’est qu’il y ait un principe mâle et un principe femelle, et donc on y accroche tout un tas de significations et de représentations. Et si on touche à ça, à cet ordre symbolique de la Nature, et bien on est un petit peu perdus. Donc pêle-mêle ça fait ressurgir tout un tas de choses, par exemple le fait que l’égalité des sexes ce soit l’indifférenciation entre les sexes, que les hommes et les femmes ne se désireraient plus les uns les autres, que tout le monde serait pareil, que tout le monde serait uniforme. Le danger de l’homosexualité il est énorme pour les parents, et on l’a beaucoup dans les SMS qui circulaient autour de l’école, cette homosexualisation des enfants, comme s’il y avait un danger là dessus, aussi, alors que ce que nous montre la réalité, c’est que quelques soient les cultures, quelque soient les époques, des plus permissives aux plus répressives, bah la question de l’homosexualité elle est la même partout à toutes les époques, et dans tous les temps.
Donc il y a quelque chose d’un peu irrationnel autour de ces peurs qui ressort, autour de cette théorie du genre.
Michel : Et puis on parlera des manuels scolaires, dans tout ce qu’on enseigne…
Serge : Dans les livres d’enfants, on en a beaucoup parlé, dans cette question des ABCD de l’Egalité. Enfin bon, je crois qu’il s’agit d’expliquer le plus sereinement possible ce qui se joue derrière tout ça.
Michel : Et il y a quelque chose qu’il est intéressant de savoir, que les gens ne connaissent pas bien, c’est que chez l’embryon, on a les organes sexuels qui permettent soit d’être mâle, soit d’être femelle, mais les deux sont là, et en fait il y en a un des deux qui involue, pour que l’autre puisse se développer. C’est à dire qu’au début, on est capables de tout faire.
Serge : Absolument, et je crois que psychiquement on est des individus universels, et qu’on dirige, qu’on trie, en fonction de nos capacités, celles qui vont plutôt être celles du masculin ou celles du féminin.
PS : Je vous parlerai de moi un peu plus tard. Va y avoir mes 9 mois THS bientôt, j’aurai quelques trucs à dire. Des trucs bien, et des trucs moins bien…