L’article précédent étant devenu encombré, et difficile à mettre à jour, vous retrouverez donc ici la dernière mise à jour concernant l’article 18quater du projet de loi sur la Modernisation de la Justice du XXIème Siècle.
Le texte en dernière lecture au Sénat a été adopté, mais du fait de trop nombreux changements par rapport au texte initialement voté, c’est la dernière version du texte voté à l’Assemblée Nationale le 12 Juillet 2016 qui a été discutée (rendant caduque donc les amendements déposés au Sénat sur le texte le 28 Septembre 2016).
C’est le 12 Octobre 2016 qu’a eu lieu la dernière lecture à l’Assemblée Nationale du projet de loi. Deux amendements identiques (voir ici et ici) visant à supprimer la compétence des officiers d’Etat-Civil la modification du prénom ont été refusés. Ainsi qu’un troisième amendement concernant un renforcement de la judiciarisation et de la médicalisation de la procédure du changement de la mention du sexe à l’état-civil, qui a été également rejeté. Ces trois amendements ayant été rejetés, l’article 18quater du projet de loi reste dans la version émise lors de son adoption à l’Assemblée Nationale le 12 Juillet.
Le projet de loi a été adopté, et c’est la fin de son parcours législatif. La prochaine et dernière étape va être sa promulgation au Journal Officiel. La date n’est pas encore fixée.
Voici donc le texte dans sa version définitive.
L’article 60 du code civil est ainsi rédigé :
« Section 2
« Art. 60. – Toute personne peut demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom. La demande est remise à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut également être demandée.
« Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
«La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l’état civil.
« S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s’oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »
[Articles 61 à 61-4]
« Section 2 bis
« De la modification de la mention du sexe à l’état civil
« Art. 61-5 – Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes d’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.
« Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être :
« 1° Qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ;
« 2° Qu’elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical, ou professionnel ;
« 3° Qu’elle a obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué ;
« Art. 61-6 – La demande est portée devant le Tribunal de Grande Instance.
« Le demandeur fait état de son consentement libre et éclairé à la modification de la mention relative à son sexe à l’état civil et produit tous éléments de preuve au soutien de sa demande.
« Le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande.
« Le tribunal constate que le demandeur satisfait aux conditions fixées à l’article 61-5 et ordonne la modification de la mention relative au sexe ainsi que, le cas échéant, aux prénoms, à l’état civil.
« Art. 61-7 – Mention de la décision de modification de sexe et, le cas échéant, des prénoms est portée en marge des actes de l’état civil de l’intéressé, à la requête du procureur de la République, dans les quinze jours suivant la date à laquelle cette décision est passée en force de chose jugée.
« Par dérogation à l’article 61-4, les modifications de prénoms corrélatives à une décision de modification de sexe ne sont portés en marge des actes de l’état civil des conjoints et enfants qu’avec le consentement des intéressés ou de leurs représentants légaux.
« Les articles 100 et 101 sont applicables aux modifications de sexe.
« Art. 61-8 – La modification de la mention du sexe à l’état civil est sans effet sur les obligations contractées à l’égard de tiers, ni sur les filiations établies avant cette modification. ».
Rapide analyse.
La changement du ou des prénoms devient possible, librement et gratuitement, devant un officier d’état-civil. Une personne mineure pourra faire la demande, avec son-a représentant-e légal-e.
Concernant la modification de la mention du sexe à l’état-civil. On reste dans une procédure judiciarisée, où il faudra se pourvoir d’un-e avocat-e, et débourser une somme d’argent pour porter la procédure au Tribunal de Grande Instance (notons toutefois qu’il existe la possibilité de faire la demande d’une aide juridictionnelle si les revenus ne le permettent pas, mais la demande est lourde et longue). La procédure semble démédicalisée.
Une fois que la décision est rendue, celle-ci est rendue effective dans les 15 jours.
Un alinéa est inquiétant toutefois (selon moi) : le fait qu’il faille le consentement de nos proches pour que la modification de l’état-civil soit portée à leur état-civil. Une situation : les parents d’une personne trans pourraient refuser la modification de leur état-civil concernant leur descendance. Ou un-e conjoint-e ou ex-conjoint-e pourrait exprimer le même refus.
Enfin, l’article 61-8 précise que cette modification n’aura aucun effet sur les filiations établies avant. De fait, un-e parent-e trans conservera son statut de parentalité sur ses enfants.
Les limites et incertitudes de ce texte
Car oui, il ne faut pas se leurrer.
Premièrement, rien n’oblige un officier d’état-civil d’accepter la demande de changement de prénom. Hé oui. Il est tout à fait possible de tomber sur un-e maire transphobe par exemple, qui va envoyer la demander au Procureur de la République (qui lui aussi pour refuser la demande pour X motif ou la renvoyer en TGI).
Deuxièmement, il faut démontrer «par une réunion suffisante de fait» qu’on soit bien légitime à vouloir changer la mention du sexe sur nos papiers. Quels sont ces faits ? Correspondre aux stéréotypes genrés en vigueur ? Démontrer preuves à l’appui ? Se conformer au cissexisme ? Bref, c’est très flou, et cela laisse loisir au juge de refuser la décision de changement d’état-civil.
Troisièmement, il faut prouver que notre entourage nous accepte. Hé oui. Si l’on se retrouve dans une situation où nos parents, nos ami-es, notre travail nous rejète, qu’on est seul-e et isolé-e, comment le prouver ?
On le voit, le texte est loin d’être parfait, la revendication d’un changement d’état-civil libre et gratuit est toujours d’actualité.
Actualisation du 7 Décembre 2016
Le Code Civil a été modifié en conséquence suite à la publication de la loi 2016-1547 au Journal Officiel, le 18 Novembre 2016.
Voici donc :
• Le lien vers l’article 60 concernant le changement du/des prénoms.
• Le lien vers les articles 61-5 à 61-8 portant sur la modification de la mention du sexe à l’état-civil.
Et ici, se trouve l’échéancier de la mise en application des lois, qui indique que le décret d’application est prévu pour Janvier 2017. Quand celui-ci sera publié, nous devrions connaître, par exemple, les modalités de saisine du TGI pour faire changer la mention de son sexe à l’état-civil.