Du fait de notre situation précaire, en partie due à notre transidentité, mon compagnons et moi n’avons que pour seul et unique revenu le RSA. Le RSA est un droit, accordé aux personnes en situation de grande précarité. Du fait de cet état, nous pouvons disposer de quelques droits octroyés par la région Nouvelle-Aquitaine concernant un accès gratuit, mais limité toutefois, aux transports en commun sur l’ensemble de la région. Le service se nomme Sésame. Une bonne chose pour nous qui ne disposons pas de voiture, et vivant à Bergerac, connaissant un certain isolement.
Donc, fin Décembre, je m’occupe de remplir le dossier en y adjoignant les justificatifs nécessaires, et je prends le temps d’expliquer à l’assistante sociale qui s’est occupée de notre dossier à Bergerac de lui préciser qu’on souhaiterai utiliser nos prénoms actuels plutôt que ceux utilisés sur nos CNI respectives. Simple respect de notre vie privée, conformément à l’article 9 du Code Civil.
C’est vers la mi-Janvier 2017 que nous recevons nos cartes Sésames et le carnet de chèques transport. La surprise est … mauvaise. D’une part nos identités respectives ne sont pas affichées et figurent sur nos titres nos anciens prénoms, ceux présents encore actuellement sur nos CNI. Et d’autre part, nos identités ont été interverties. Ainsi à côté de ma photo figure le nom et l’ancien prénom de mon compagnon, et vice-versa en ce qui le concerne. Je téléphone donc au Département et au service s’occupant de nos cartes. Je tombe sur Madame Gwenaëlle Laroche, qui ne se montre pas vraiment compréhensive vis-à-vis de la gravité de la situation. Ses arguments, qui sont souvent ceux utilisés pour ne pas agir, sont : «Moi je peux rien faire.» ; «Vous devez changer votre état-civil» ; «On doit utiliser la CNI comme seul et unique justificatif d’identité». Et elle me dit aussi que le fait que soit trans est un «problème» et que nous devons «faire avec».
Alors, plusieurs choses. D’une part il s’agit de titres de transports, qui sont tout, sauf officiels. Au même titre que puissent l’être des cartes d’adhérent-e-s, ou des factures. J’ai, à ma disposition, des documents de liaison de la part de Pôle-Emploi utilisant mon prénom actuel et pas celui figurant sur ma CNI. Que l’on m’explique alors pourquoi il n’est pas possible de réaliser la même chose pour une carte Sésame ? Par ailleurs, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, nous n’avons plus l’obligation d’avoir notre CNI en permanence avec nous. Voici l’état des choses en ce qui concerne le contrôle d’identité : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1036
Je prends alors contact avec la région Nouvelle-Aquitaine, à Bordeaux au service des transports. Je reçois un meilleur accueil et on m’explique qu’il peut être éventuellement possible de faire figurer nos prénoms actuels si l’on apporte des preuves de leurs usages. Je joint donc à un email plusieurs scans de documents sur lesquels figurent nos prénoms actuels. L’on me réponds alors favorablement. Du mois, le croyais-je. On m’indique alors quand même clairement noir sur blanc que si nous n’avons pas encore de procédure de changement d’état-civil en cours, la région pourrait faire figurer nos prénoms actuels. Donc je renvoie les cartes Sésame, et les reçois. Le fait que nos identités soient interverties a été corrigée. Toutefois, nos prénoms actuels n’y figurent pas et en lieu et place figurent nos anciens prénoms, ceux présents sur nos CNI. Sous le choc, je laisse passer quelques semaines le temps que les choses se tassent un peu.
Aujourd’hui même, je contacte le Conseil Départemental de la Dordogne afin de savoir s’il n’y a pas eu miscompréhension. Las ! On me répète les mêmes arguments. Et pire, le service des transports de Bordeaux, joints immédiatement après, m’expliquent que par «identité actuelle» il fallait entendre «identité attribuée par l’état sur nos CNI». J’essaie d’expliquer calmement que cela va à l’encontre de notre vie privée et que cela nous expose à des violences potentielles. Et, mon contact, Monsieur Simon Girardeau, met un terme à notre discussion, passablement agacé par notre demande légitime, arguant que nous «faisons perdre du temps» et que «cela a assez duré».
Nous sommes donc confronté-e-s mon compagnon et moi à un cas de transphobie institutionnelle en ce sens qu’il y a un refus manifeste de vouloir faire figurer nos prénoms actuels des titres de transport, ce qui nous éviteraient de devoir expliquer systématiquement notre situation à la personne qui les contrôlera.
En conséquences : le département de la Dordogne et la région Nouvelle-Aquitaine nous exposent une fois de plus à la transphobie institutionnelle, et dans le même temps à de potentielles violences, si jamais d’autres passagers du TER apprenaient que nous sommes trans. Le département de la Dordogne et la région Nouvelle-Aquitaine refusent d’appliquer le droit en ce qui nous concerne en enfreignant l’article 9 du Code Civil, et en enfreignant aussi l’article 225-1 du Code Pénal sur le motif de la discrimination sur l’identité de genre.
En conséquences également, nous refusons d’utiliser ces cartes Sésame sur l’ensemble de la région, et refusons de nous soumettre, une fois de plus, à l’arbitraire transphobe des institutions.
Cet article va être transféré à la Fédération-LGBT et à l’Association Nationale Transgenre.